mercredi 8 juin 2022

HIT THE ROAD (JADDE KHAKI)

  LUNDI 25 AVRIL 2021 - 20H30

au Six N'étoiles

HIT THE ROAD de Panah Panahi
suivi d'une discussion avec Bamchade Pourvali


SYNOPSIS : Iran, de nos jours. Une famille est en route vers une destination secrète. A l’arrière de la voiture, le père arbore un plâtre, mais s’est-il vraiment cassé la jambe ? La mère rit de tout mais ne se retient-elle pas de pleurer ? Leur petit garçon ne cesse de blaguer, de chanter et danser. Tous s’inquiètent du chien malade. Seul le grand frère reste silencieux.


Un nouveau réalisateur iranien est apparu sur la carte du cinéma international, et pas n’importe lequel : Panah Panahi est né sous une bonne étoile (en 1984), si l’on peut dire, puisqu’il est le fils de Jafar Panahi, l’un des maîtres de la nouvelle vague iranienne, tout à la fois honoré dans les grands festivals et condamné en 2010 dans son propre pays à ne pas tourner de films pendant vingt ans (entre autres peines).

L’auteur de Ceci n’est pas un film (2011) a réussi à contourner l’interdiction, décrochant même l’Ours d’or à Berlin avec Taxi Téhéran (2015). L’héritage n’est pas des moindres pour le fils qui, dès son enfance, a pu assister aux tournages de son père et à ceux d’Abbas Kiarostami (1940-2016), autre immense artiste. Le jeune homme a aussi « secondé » Jafar Panahi sur ses derniers longs-métrages (Trois Visages, en 2018…).

Hit the Road, premier long-métrage de Panah Panahi, n’est pas une œuvre frontalement politique, s’amusant à déjouer la censure, mais ce road-movie cache sous le capot une histoire d’exil – le titre renvoyant à la chanson culte de Ray Charles, Hit the Road, Jack (1962). Nous voici embarqués dans un break gris métal, luisant sous le soleil de plomb : à l’arrière, un enfant débordant d’énergie (Rayan Sarlak), sympathique et fatigant, est assis à côté de son père (Hassan Madjouni) qui a la jambe dans le plâtre. La mère (Pantea Panahiha) est à l’avant, côté passager, tandis que le fils aîné (Amin Simiar) conduit sans dire un mot.

L’atmosphère est bizarrement tendue et légère à la fois : les parents ne manquent pas d’humour, le langage est cru, direct, et la musique pop crachée par les enceintes – des chansons d’avant la révolution iranienne de 1979 – remet tout le monde de bonne humeur. En creux, le film dessine le portrait d’une famille ouverte, moderne – et comme dans Taxi Téhéran, de Panahi père, l’espace de liberté se trouve ici aussi réduit à l’habitacle de la voiture.
Le Monde, avril 2022
Panah PANAHI

Panah Panahi est né à Téhéran en 1984. Il étudie le cinéma à l'Université des Arts de Téhéran. Son premier court métrage a été présenté et récompensé dans de nombreux festivals nationaux et internationaux. Il a été membre du jury du Festival Cinefan du cinéma asiatique et arabe d'Osian. Il devient photographe de plateau, puis assistant opérateur et assistant réalisateur. Il a également été consultant, monteur et assistant réalisateur sur les films les plus récents de Jafar Panahi, son père, réalisateur entre autres de Taxi Téhéran et Ceci n'est pas un film, toujours officiellement interdit de faire des films et de quitter le pays. Hit the road (Jadde Khaki en version originale) est le premier long métrage de Panah Panahi.

Bamchade POURVALI

Bamchade Pourvali est docteur en cinéma, il remplit actuellement les fonctions d'ATER à l'Université Gustave Eiffel après avoir enseigné à l'Ecole Polytechnique. Spécialiste de l'essai filmé et du cinéma iranien, il est l'auteur de livres consacrés à Chris Marker (Cahiers du cinéma, 2003), Jean-Luc Godard (Séguier, 2006) et Wong Kar-wai (Amandier, 2007) et le rédacteur de dossiers pédagogiques sur L'Homme à la caméra de Dziga Vertov (CNDP, 2010), Iranien de Mehran Tamadon (CNC, 2016) et My Sweet Pepper Land d'Hiner Saleem (CNC, 2017). Il dirige le site Iran ciné panorama consacré à l’Histoire et à l’actualité du cinéma iranien.

KAMEL BENKAABA & LUCHINO VISCONTI

 VENDREDI 15 AVRIL 2022 - 20H

à la Villa Nuraghes

 KAMEL BENKAABA 
& Luchino Visconti

Kamel BENKAABA

Kamel Benkaaba, docteur en cinéma, a enseigné l’histoire du cinéma et l’analyse filmique à la faculté des lettres et des sciences humaines d’Aix en Provence. Il enseigne actuellement au département Média, Cognition et Communication de l'université de Copenhague dans les domaines suivants : " Le cinéma scandinave"," La nouvelle vague française", "Les séries télévisées'', " Les théories de la culture et de la communication" et" Le cinéma au Moyen-Orient".

Ce vendredi 15 avril 2022, il est venu nous présenter la vie et l'oeuvre de Luchino Visconti avec anecdotes, visionnages d'extraits et explications artistiques. Voici un résumé partagé par Allociné :

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Issu d’une grande famille de Lombardie, Luchino Visconti est le quatrième de sept enfants. Il grandit en fréquentant assidûment l’opéra et en s’occupant d’une écurie de chevaux. Sa famille, constituée de très influents mécènes, reçoit régulièrement les acteurs du monde de la culture. C’est en 1936 que sa carrière cinématographique commence, lorsqu’il est engagé comme assistant réalisateur et costumier sur deux films de Jean Renoir : Les Bas-Fonds et Une Partie de campagne. Après un voyage à Hollywood, il collabore une fois encore à l'un des projets de Renoir, La Tosca, adapté de l’opéra de Puccini et donc de la pièce de Victorien Sardou. Visconti participe au scénario et assiste Renoir avant que ce dernier ne soit remplacé par l'allemand Carl Koch, au moment où éclate la guerre.

Très influencé par le cinéma réaliste, Visconti dirige son premier long métrage Les Amants diaboliques (1942), inspiré du roman Le facteur sonne toujours deux fois. Toujours intéressé par la scène, il crée une troupe de comédiens et monte plusieurs pièces lyriques. Il revient à la réalisation pour La Terre tremble (1948), dans lequel il dénonce les conditions de vie des milieux populaires. Le film est un échec commercial retentissant, qui n’empêche pas le cinéaste de retrouver les faveurs du public avec Bellissima (1951), sujet plus "grand public" sur les coulisses du monde du cinéma. Plus marquante est sa première œuvre couleur Senso, qui peint un drame sur fond de guerre italo-autrichienne (1866). Fini le réalisme, place à la fresque historique. Visconti est nommé pour ce film au Lion d’or de Venise.

Retour au noir et blanc pour Les Nuits blanches (1957), une histoire d’amour interprétée par Maria Schell, Marcello Mastroianni, et Jean Marais, qui lui vaut cette fois le Lion d’argent à Venise. Son film suivant est l'un de ses plus célèbres : Rocco et ses frères (1960), qui présente le parcours d’une famille émigrée à Milan et cherchant désespérément du travail. Inspiré de Dostoievski, le film, contenant des scènes d’une rare violence pour l’époque, est en partie censuré en Italie, mais obtient le Prix spécial de la Mostra. C’est l’histoire campant les difficultés financières du prince Salina (Burt Lancaster), aristocrate désargenté obligé de marier sa fille à un nouveau riche, qui va lui apporter la reconnaissance unanime. Il s’agit du Guépard (1963), éblouissant film d’époque, d’une parfaite maîtrise technique (l’inoubliable scène du bal), qui lui assure une Palme d’or au Festival de Cannes, et devient un succès commercial et critique dès sa sortie.

Après Rocco et Le Guépard, Claudia Cardinale est à nouveau l’héroïne du réalisateur dans le rôle de Sandra (1965), qui cache un terrible secret d’enfance à son mari, interprété par Michael Craig. Le film obtient le Lion d’or à Venise, prix qui avait toujours échappé à Visconti. Deux ans plus tard, il tourne une adaptation du roman d’Albert Camus, L' Etranger, en se dotant d’un casting français : aux côtés de Marcello Mastroianni, se distinguent ainsi Bernard Blier, Anna Karina, Bruno Cremer ou Georges Wilson. Outre ses propres films, Visconti participe également à des films à sketchs dont il réalise des segments comme dans Les Sorcières (1967) ou Boccace 70 (1962) et co-réalise un documentaire à la fin de la seconde guerre mondiale : Jours de gloire. A la recherche de Tadzio est une curiosité : le metteur en scène se filme lui-même en quête d’un jeune acteur pour incarner Tadzio dans son film Mort à Venise.

Mais la spécialité de Visconti demeure la fresque historique à grande échelle. C’est ainsi qu’est mis en chantier Les Damnés (1969), coproduction italo-américaine réunissant Dirk Bogarde et Ingrid Thulin. Thème cher au réalisateur, le film raconte l’effondrement d’un empire familial à l’avènement du IIIème Reich, et se voit nommé aux Oscars pour son scénario. Visconti va aller toujours plus loin pour montrer la décadence et filmer les destins tragiques de ses personnages. Son esthétique toujours très travaillée et son attention aux costumes trouvent leur paroxysme dans Mort à Venise (1971), film de la Belle Époque, racontant les doutes d’un musicien en manque d’inspiration, qui va retrouver le goût de son art grâce à un jeune adolescent. Visconti évoque ensuite la vie dramatique de Ludwig (1972), roi de Bavière, de son couronnement à sa mort. Joué par Helmut Berger, le roi est trahi, amoureux de sa cousine qui le rejette, tourmenté par ses penchants homosexuels, et sombre peu à peu dans la folie. Les années passant, le cinéma du réalisateur italien se fait de plus sombre, voire crépusculaire, impression renforcée par ses deux derniers films.

Il retrouve Burt Lancaster et Helmut Berger pour Violence et Passion (1974), l’histoire d’un professeur qui loge chez lui une femme et ses problèmes. Visconti présente une réflexion sur le vieillissement, la solitude et l'approche de la mort. Son dernier film, L' Innocent, porte sur la jalousie d’un homme poussée à l’extrême, jusqu’à la folie. Luchino Visconti meurt au printemps 1976, touché par une forme grave de thrombose, peu de temps après avoir visionné un premier montage de L' Innocent, dont il n'était pas satisfait. Le film est présenté au public dans cette version, mises à part quelques retouches apportées par sa collaboratrice Suso Cecchi d'Amico, fondées sur les indications laissées par le réalisateur lui-même au cours d'une discussion de travail. Visconti laisse derrière lui une œuvre d’une richesse incroyable, qui fait de l’homme une légende du cinéma.


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