mercredi 18 septembre 2024

L'HISTOIRE DE SOULEYMANE DE BORIS LOJKINE VU PAR JEAN FRANCOIS VILLANOVA

 

Cinéma : "L’histoire de Souleymane" de Boris Lojkine (1h35, 2024)      

                  ... récit d’un voyage en enfer

 

                                                                              Vu par Jean-François Vilanova (LDS)

 



     L’association de cinéma "Lumières du Sud" de Six-Fours en collaboration avec le cinéma Sixn’etoiles proposait en avant- première le 16 septembre "L’histoire de Souleymane" de Boris Lojkine qui sort en salles le 9 octobre prochain.
Un choix inspiré et remarquable d’exigence pour lancer la nouvelle saison de l’association.

Présenté au dernier festival de Cannes dans la section Un certain regard, "L’histoire de Souleymane" est un film coup de poing dont on sort littéralement K.O.
👊 👊👊


Deux jours. Seulement deux jours.
Dans deux jours, Souleymane (Abou Sangare dont le personnage porte le même nom...) doit passer son entretien de demande d'asile dans les bureaux de l’OFPRA à Paris.
Il a fui la Guinée, il est francophone, et veut se faire passer pour un réfugié politique...pour obtenir ses papiers et vivre légalement en France.

Alors qu’il fait sa tournée de livraison des repas que des clients ont commandés sur une plate-forme aisément identifiable, il répète son histoire, sa "légende ", celle qui lui permettra de vivre sans crainte d’être arrêté et reconduit à la frontière.

Pourtant Souleymane n’est pas prêt et il court après des papiers que doit lui remettre celui qui lui a construit cette "légende"...

"L’histoire de Souleymane" est filmé à hauteur d’hommes et montre la cruauté d’un monde qui manque à chaque instant ou presque d’humanité.

Son grand mérite est d’aborder de façon frontale la situation des migrants d’Afrique subsaharienne, de leurs pays de départ, ici la Guinée, jusqu'à la Méditerranée via le Mali, l’Algérie et la Libye où ils subissent les pires violences, sévices, humiliations.
Et la trajectoire de Souleymane est atypique dans sa motivation, ce que révèle la fin de ce film bouleversant, car il ne part pas pour lui-même ni pour des raisons politiques.

Et le film ne fait pas davantage l’impasse sur les pratiques intra-comunautaires à l’arrivée à Paris, car Souleymane va de violence en violence, morale, psychologique, physique, en acceptant d’être exploité et humilié pour des revenus de misère par un membre de sa communauté qui monnaye grassement sa propre identité pour que Souleymane puisse travailler.

A l’heure de la mondialisation débridée, du chaos politique et social de plusieurs régions du monde, mais aussi de l’ultra-libéralisme de nos sociétés occidentales qui créent un lumpen prolétariat ubérisé, "L’histoire de Souleymane" nous tend sèchement un miroir dans lequel
il est insupportable de se regarder et questionne ce qu’il reste de l’humanité en général mais aussi notre médiocrité.
Largement tourné en caméra subjective, le film concourt à nous en faire sortir littéralement essoré.es.

L’expérience est éprouvante.

 

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