L'association de cinéma "Lumière(s)
du Sud" de Six-Fours projetait le 18 septembre 2023 en séance
spéciale le film de Delphine SEYRIG, "Sois belle et tais-toi!"
(1976), réalisé en vidéo dont la souplesse d'utilisation correspondait à la
démarche politique d'urgence des années 1970.
Revoir ce film permet de comprendre le rôle qu’a joué la réflexion féministe dans l’évolution à long terme des pratiques à l’égard des actrices dans le milieu du cinéma.
Soirée débat autour du film « Sois belle et tais-toi » au Six n’étoiles de Six-Fours,
le 18 septembre 2023.
Un film choral dont la
démarche est aussi politique
Pendant deux heures, Delphine SEYRIG questionnait face caméra vingt-trois
actrices françaises (Marie Dubois, Maria Schneider, Juliet Berto, Anne
Wiazemski...) et américaines (Jane Fonda, Jill Clayburgh, Ellen Burstyn, Louise
Fletcher, Shirley Mac Laine...) sur leur parcours d'actrices, les rôles qui
leur étaient proposés et leurs rapports avec les acteurs, réalisateurs,
producteurs et le milieu du cinéma.
La démarche
était politique et féministe mais sans aucune agressivité.
Les
questions posées aux actrices, Delphine SEYRIG, féministe de la première heure,
se les posait à elle-même.
Les propos
recueillis par ces femmes actrices en une sorte de "choeur" sont sans
appel : le milieu du cinéma est un cinéma d'hommes fait par et pour des hommes
et devant répondre aux fantasmes des hommes. Les rôles destinés et attribués
aux femmes étaient insignifiants, déconnectés de la réalité des besoins des
femmes et de leur humanité.
Les pistes
pour sortir de ce milieu patriarcal du cinéma se dessinent au fil des échanges.
Changer le regard du cinéma sur les femmes, un
combat à long terme
Marie Dubois rapporte que François Truffaut lui avait dit que pour que ce système change « les
femmes devraient écrire leurs propres rôles, leurs propres histoires, imposer
leurs propres visions ».
Elles
devraient également s'emparer des métiers techniques et devenir elles-mêmes
réalisatrices de cinéma pour modifier le regard posé sur les femmes.
Et
justement, au mitan des années soixante-dix, un cinéma de réalisatrices naît
avec Chantal ACKERMAN ("Jeanne Dielmann" 1975), Marguerite DURAS
("India Song" 1975) et... Delphine SEYRIG ("Sois belle et
tais-toi!" 1976), trois films dans lesquels l'engagement de la comédienne
est total et dont le dernier long métrage voit son passage à la réalisation.
"Sois
belle et tais-toi!" constitue donc bel et bien un moment de bascule
de l'Histoire du cinéma.
A
l'origine, "Sois belle et tais-toi!" n'est pas
programmé pour sortir en salle. Il est diffusé dans le cadre associatif
militant féministe et dans un format vidéo VHS, très fragile, à partir de 1981.
Restauré
puissamment et récemment en 2018 (voir le lien des Inrocks : https://lnkd.in/eQnSvnFS), il sort enfin
en salle dans le contexte de libération de la parole de Me-too.
Grand merci à l'association
"Lumière(s) du Sud" d'avoir programmé cette diffusion et à Toby
Gilbert, collaboratrice de Delphine SEYRIG sur le film en 1976, d'être venue
hier soir à Six-Fours nous parler longuement et patiemment de la réalisation du
film et du projet politique qu'il sous-tend.
Avec « Sois belle et tais-toi », Delphine SEYRIG confirme que si le cinéma n’a pas le pouvoir de changer le monde, il a la capacité de changer le regard sur ses pratiques, ses violences et ses inégalités, et de les modifier patiemment et détermination avec force et conscience.
Jean-François VILANOVA, membre de l’association « Lumière(s) du Sud ».
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