Lucas B MASSON… La passion cinéma
A le voir arriver vers moi, souriant, silhouette filiforme, il
ressemble à un étudiant. Étudiant de… 33 ans qu’il est loin de faire !
Lucas
a un métier peu ordinaire puisqu’il est créateur de bandes annonces de
cinéma et c’est une passion qu’il a depuis sa plus tendre enfance et
dont il a fait son métier. Aujourd’hui il est un des rares à pratiquer
ce métier, ce qui fait qu’en plus de son talent, il est très recherché
et a à son actif nombre de bandes annonces comme « 120 battements par
minute » de Robin Campino, « How to have sex » de Molly Manning, « Neuf
mois ferme » d’Albert Dupontel, « Chien de casse » de Jean-Baptiste
Durand et bien d’autres, la liste est longue.
Il a également réalisé pas mal de courts métrages dont certains ont été primés.
Pascale
Parodi, présidente de l’association « Lumières du Sud », aime nous
faire découvrir ces hommes et femmes de l’ombre qui font le cinéma car
hormis comédiens et réalisateurs, tous les corps du métier grâce à qui
le cinéma existe, sont assez méconnus et sont pourtant indispensables à
la réalisation d’un film.
Lucas Masson est l’un d’eux et c’est un vrai plaisir que de le rencontrer.
« Le cinéma est arrivé comment dans ta vie ?
Très
tôt, cette passion m’a été transmise par mon père. Il n’était pas du
tout dans le cinéma mais c’était un passionné. J’ai donc regardé dès
quatre ans des films avec lui… notamment des films fantastiques et des
films d’horreur ! Pour certains je n’avais pas le droit de les voir car
ma mère veillait au grain ! En fait, on m’autorisait à voir seulement
les bandes annonces. Du coup, très jeune j’ai voulu faire du cinéma et
bien l’envie de faire des bandes annonces certainement grâce à ça.
Et tu n’avais pas envie de réaliser des films ?
Bien
sûr, d’ailleurs j’en faisais avec le caméscope de mon père et je
prenais ma petite sœur pour actrice mais j’ai toujours gardé cette
passion pour la bande annonce. Ça m’a toujours beaucoup inspiré c’était
pour moi très vecteur d’inspiration. Je suis heureux d’en faire et je
réalise aussi des courts métrages. Malheureusement (ou heureusement)
j’ai été extrêmement accaparé par mon métier et j’avoue que réaliser me
manque mais c’était difficile de coupler les deux. C’est pour cela que
cette année, j’ai décidé de ralentir la « BA » pour me remettre à la
réalisation de mes propres projets.
Quelles études as-tu faites ?
Oui,
j’ai fait des études techniques, après mon bac, j’ai fait un BTS des
techniques de cinéma et d’audiovisuel durant deux ans puis une licence
histoire d’avoir un bac + 3. Mais très tôt j’ai travaillé sur des
tournages en tant qu’assistant réalisateur, assistant chef opérateur,
avec des réalisateurs comme Albert Dupontel, David Cronenberg, Quentin
Dupieux, Jacques Audiard… J’ai beaucoup appris sur le terrain avec eux
et parallèlement je faisais beaucoup de montage en autodidacte.
Comment entre-t-on dans ce métier ? Tu avais des relations ?
Je
n’avais aucune connaissance, pas de piston ! Il faut, je crois, avoir
beaucoup de détermination alors que je suis quelqu’un de relativement
réservé. Mais il faut mettre ça de côté et foncer. Ça s’est fait un peu
comme ça : je suis parti en vacances aux Etats-Unis à 19 ans mais je
suis allé frapper au culot à la porte d’une grosse société de bandes
annonces qui faisait celles de Steven Spielberg, JJ Abrams et le
directeur de l’époque, Benedict Coulter qui était américain et avait
vécu en France, a aimé mon culot car j’ai eu beaucoup de mal avec le
vigile et avec sa secrétaire. Lorsque tu arrives à provoquer la
rencontre, je pense que c’est plus facile qu’en France où c’est beaucoup
plus cloisonné, il y a chez eux ce truc de « méritocratie » où l’on
t’écoute. En France il y a moins de bienveillance, plus de
condescendance.
Tu as donc travaillé avec eux ?
Non
parce que j’habitais en France, je n’étais là que pour les vacances.
Mais j’ai été « mentoré » par Bénédict Coulter qui m’a recommandé à une
boîte française, « Sonia tout court » et durant trois ans j’y ai
travaillé comme chef de projet. Je gérais la création de A à Z. Mais
j’avais peu de flexibilité sur les choix des films. Du coup je me suis
lancé en free lance depuis dix ans.
Ça n’était-il pas risqué?
Oui
bien sûr, théoriquement mais j’ai eu cette chance que je n’ai jamais eu
besoin de demander du travail, il est toujours venu à moi. Je refuse
beaucoup plus de travail que ce que j’accepte. La chance a fait que le
bouche à oreille a très vite fonctionné, j’ai eu de plus en plus de
demandes. Aujourd’hui 50% des propositions !
Qui te choisit ?
C’est le distributeur à qui incombe la responsabilité du marketing du film et sa promotion et toute la communication du film.
Comment travailles-tu ?
Il faut
connaître le film par cœur, le voir absolument et le regarder plusieurs
fois. La première fois, je le regarde en spectateur pour recevoir les
émotions puis je dissèque le film plan par plan, dialogue par dialogue,
j’y reviens souvent dessus pour bien le connaître. Après ça, je
travaille en toute liberté et le client vient me voir en toute
connaissance de cause, aime avoir des propositions de ma part. J’ai
besoin d’avoir cet échange en amont pour qu’il adhère à ma proposition.
Le produit fini je le présente et, c’est rare, mais ça peut ne pas
plaire et l’on voit les modifications à faire. Il y a des échanges pour
que tout le monde soit content.
T’arrive-t-il de travailler avec les Américains ?
Ça
peut se faire lorsque le distributeur français n’aime pas la bande
annonce américaine, lorsqu’elle ne s’adapte pas au marché français par
exemple Chacun a sa version marketing par rapport à la culture.
Alors, tes courts métrages ?
Le
dernier, « Baby sitting » remonte à une dizaine d’années ! Mais ils ont
presque tous été présentés dans des festivals, certains ont eu des
prix. Du coup j’ai décidé d’y revenir cette année. J’ai plusieurs
projets dont un sur lequel je travaille en ce moment, qui se tournera
entre la France, en Nouvelle Aquitaine et le Portugal, avec justement
une grande actrice portugaise. J’ai encore trois autres projets, après
il faudra je j’aille sur un long métrage. Du coup je vais ralentir la
bande annonce mais je n’arrêterai pas car c’est un métier qui me donne
beaucoup de bonheur.
Ne vas-tu pas regretter de rater des films ?
Il
y aura certainement des regrets comme j’en ai déjà eu. J’ai dû refuser
des films parce que je ne pouvais pas tout faire mais ça ne m’empêche
pas de dormir. Ça ne s’est pas fait parce que ça ne devait pas se faire.
Et en ce moment ?
Je travaille sur des bandes annonces pour le festival de Cannes qui approche à grands pas. Mais je ne peux pas en parler.
On peut parler de ces films que tu vas tourner ?
Celui
que je vais tourner c’est court métrage… d’épouvante ! Il s’appelle
« Pena Sumbra ». Ça se passe dans un hôtel de province en France. Ça met
en scène une femme franco-portugaise émigrée d’une soixantaine
d’années, jouée par Rita Blanco, grande actrice portugaise… Qu’on va pas
mal maltraiter et qui va passer une nuit cauchemardesque dans cet
hôtel.
Tu reviens à tes premières amours !
Que veux-tu, on ne se refait pas !!! »
Propos recueillis par Jacques Brachet
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