samedi 9 mars 2024

LA ZONE D'INTERÊT de Jonathan Glazer, vu par Jean François Vilanova

 

Retour sur un film événement présenté par l’association LDS :

 "La zone d'intérêt" de Jonathan GLAZER (Cannes 2023).



Le mercredi 17 janvier 2024, l'association de cinéma de Six-Fours "Lumière du Sud", présentait en avant-première lors d'une soirée exceptionnelle, "La zone d'intérêt " de Jonathan GLAZER qui avait reçu le Grand Prix du jury du festival de Cannes 2023. Jusqu’au dernier moment, le film fut pressenti pour décrocher la Palme d’Or finalement décerné à « Anatomie d’une chute » de Justine TRIET.

Alors qu’Hollywood s’apprête à remettre ses Oscar dans la nuit du 10 au 11 mars 2024, revenons sur ce film qui concourt dans cinq catégories dont celles du Meilleur film et du Meilleur film étranger.

 




La « Zone d’intérêt » est avant tout un film de dispositif.

Dans la langue déshumanisée créée par l'idéologie nazie, l’expression « Zone d’intérêt » désignait les 40 kilomètres carrés entourant le camp d’Auschwitz - Birkenau placés sous le contrôle absolu des autorités nazies et dans lesquels de nombreuses entreprises exploitaient la main-d’œuvre esclave des camps d'extermination.

Le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, et sa femme Hedwig ont voulu construire "une vie de rêve" pour leur famille dans une maison avec jardin, une sorte de "paradis vert" au bord d'une rivière... jouxtant le mur d'enceinte du camp d'extermination d'Auschwitz.


Le dispositif est absolument terrifiant.

Pendant une heure quarante-cinq, le spectateur voit vivre la famille Höss dont l'univers est dominé par le mur du camp d'extermination, les miradors, les cheminées des fours crématoires. Le réalisateur Jonathan GLAZER avait placé dix caméras dans la maison reconstituée du commandant du camp et observé les personnages du film à la manière d’un loft.

Jamais il n'est donné à voir ce qui se déroule dans le camp d’extermination dont la présence est omniprésente et imposante. Il est presque insurmontable au cinéma de filmer "l'infilmable", même si des réalisateurs s'y sont déjà risqués.

 

Un cauchemar absolu.

On suit donc la vie des Höss au milieu de leur jardin, de leurs petites plantations, de leurs petites réceptions...dans une bande son terrifiante qui capte tous les bruits des violences commises à quelques mètres de là sur les déportés juifs: cris, aboiements de chiens, hurlements, coups portés, arrivée des trains de la mort, bruits de machines dont on imagine aisément qu’il s’agit des fours crématoires.
A l'arrière-plan, le ciel est chargé d'immenses traînées noirâtres correspondant aux rejets des cheminées des dits fours. Les odeurs sont pestilentielles et il faut souvent fermer précipitamment les fenêtres de la maison.

Et la nuit, à travers les carreaux, apparaissent d'interminables pluies de cendres grises... jusqu'au coup de théâtre final.

Malgré cela, la femme du commandant du camp, Hedwig Höss, interprétée par la formidable actrice allemande Sandra Hüller qui jouait dans « Anatomie d’une chute », ne peut se résoudre à quitter sa maison qui jouxte le camp quand son mari Rudolph lui fait part d'une mutation imminente pour le camp d'Orianenburg. Elle se considère comme "la reine d'Auschwitz". L'horreur est sans limite(s).

C’est bien cela que le film donne à voir. Une mise en image(s) du concept de la « banalité du mal » forgé par la philosophe américaine Hannah Arendt quand elle suivait le procès d’Adolf Eichmann à Jérusalem pour le New Yorker (1961).

 

Echanges avec l’acteur principal en visio-conférence à la fin du film.

La projection du film fut suivie d'une longue séquence de questions posées à l'acteur du film Christian Friedel.

Le dispositif en visioconférence à travers toute la France avec les salles partenaires du Festival Télérama fut essentiel pour obtenir toutes les clés du dispositif concocté par le réalisateur qui consacra près dix ans à la préparation et à la réalisation du film : installation des dix caméras dans la maison des Höss, présence du réalisateur et des techniciens en dehors de l’espace de tournage, réalisation de la bande son des « bruits » a posteriori avant de faire le mixage avec les images tournées.

Le résultat est terrifiant et laisse sans voix.

 

                                   Jean-François VILANOVA, membre de l’association « Lumières du Sud ».

 

 
Sortie nationale le 31 janvier 2024.


 

 

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