Retour sur un film événement présenté par l’association LDS :
"La zone d'intérêt" de Jonathan GLAZER (Cannes 2023).
Le mercredi 17 janvier 2024, l'association de cinéma de
Six-Fours "Lumière du Sud", présentait en avant-première lors d'une
soirée exceptionnelle, "La zone d'intérêt " de Jonathan GLAZER
qui avait reçu le Grand Prix du jury du festival de Cannes 2023. Jusqu’au
dernier moment, le film fut pressenti pour décrocher la Palme d’Or finalement
décerné à « Anatomie d’une chute » de Justine TRIET.
Alors qu’Hollywood s’apprête à remettre ses Oscar dans la nuit du 10 au 11 mars 2024, revenons sur ce film qui concourt dans cinq catégories dont celles du Meilleur film et du Meilleur film étranger.
La « Zone d’intérêt » est avant tout un film de dispositif.
Dans la langue déshumanisée créée par l'idéologie
nazie, l’expression « Zone d’intérêt » désignait les 40 kilomètres carrés
entourant le camp d’Auschwitz - Birkenau placés sous le contrôle absolu des autorités
nazies et dans lesquels de nombreuses entreprises exploitaient la main-d’œuvre
esclave des camps d'extermination.
Le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, et sa femme Hedwig ont voulu construire
"une vie de rêve" pour leur famille dans une maison avec jardin, une
sorte de "paradis vert" au bord d'une rivière... jouxtant le mur
d'enceinte du camp d'extermination d'Auschwitz.
Le dispositif est absolument terrifiant.
Pendant
une heure quarante-cinq, le spectateur voit vivre la famille Höss dont l'univers
est dominé par le mur du camp d'extermination, les miradors, les cheminées des
fours crématoires. Le réalisateur Jonathan GLAZER avait placé dix caméras dans
la maison reconstituée du commandant du camp et observé les personnages du film
à la manière d’un loft.
Jamais il n'est donné à voir ce qui se déroule dans le camp d’extermination
dont la présence est omniprésente et imposante. Il est presque insurmontable au
cinéma de filmer "l'infilmable", même si des réalisateurs s'y sont
déjà risqués.
Un cauchemar absolu.
On suit donc la vie des Höss au milieu de leur jardin, de leurs petites plantations,
de leurs petites réceptions...dans une bande son terrifiante qui capte tous les
bruits des violences commises à quelques mètres de là sur les déportés juifs:
cris, aboiements de chiens, hurlements, coups portés, arrivée des trains de la
mort, bruits de machines dont on imagine aisément qu’il s’agit des fours
crématoires.
A l'arrière-plan, le ciel est chargé d'immenses traînées noirâtres
correspondant aux rejets des cheminées des dits fours. Les odeurs sont
pestilentielles et il faut souvent fermer précipitamment les fenêtres de la
maison.
Et la nuit, à travers les carreaux, apparaissent d'interminables pluies de
cendres grises... jusqu'au coup de théâtre final.
Malgré cela, la femme du commandant du camp, Hedwig Höss, interprétée par la
formidable actrice allemande Sandra Hüller qui jouait dans « Anatomie
d’une chute », ne peut se résoudre à quitter sa maison qui jouxte le camp
quand son mari Rudolph lui fait part d'une mutation imminente pour le camp
d'Orianenburg. Elle se considère comme "la reine d'Auschwitz".
L'horreur est sans limite(s).
C’est bien cela que le film donne à voir. Une mise en image(s) du concept de la « banalité du mal » forgé par la philosophe américaine Hannah Arendt quand elle suivait le procès d’Adolf Eichmann à Jérusalem pour le New Yorker (1961).
Echanges avec l’acteur
principal en visio-conférence à la fin du film.
La projection du film fut suivie d'une longue séquence
de questions posées à l'acteur du film Christian Friedel.
Le dispositif en visioconférence à
travers toute la France avec les salles partenaires du Festival Télérama fut
essentiel pour obtenir toutes les clés du dispositif concocté par le
réalisateur qui consacra près dix ans à la préparation et à la réalisation du film :
installation des dix caméras dans la maison des Höss, présence du réalisateur
et des techniciens en dehors de l’espace de tournage, réalisation de la bande
son des « bruits » a posteriori avant de faire le mixage avec les
images tournées.
Le résultat est terrifiant et laisse sans voix.
Jean-François VILANOVA, membre de l’association « Lumières du Sud ».
Sortie nationale le 31 janvier 2024.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire