Lumières du Sud
Guillaume LEVIL, de la Provence à Hollywood !
Guillaume Levil est un homme de contrastes : Il a passé son enfance à
la Réunion avant d’arriver à Digne. Il navigue donc entre deux
cultures. I
Il partage ses goûts entre Capra et Pagnol, « La femme du
boulanger » et « Beethoven » (le chien !!) et notre jeune
scénariste-réalisateur-
« Guillaume, tu es en fait construit sur deux cultures
C’est
exact, jusqu’à 12/13 ans la Réunion a fait ma construction. J’en suis
imprégné. Mon père étant provençal, nous nous sommes retrouvés à Digne
où je suis allé au collège. J’ai eu les deux cultures, les deux langues
et je suis fait d’elles.
Le cinéma est venu comment ?
Tout
jeune, ma mère m’a amené très souvent au cinéma où je voyais aussi
bien les films pour enfants mais aussi d’autres films peut-être un peu
moins réservés aux enfants. Mon second film a été « Les liaisons
dangereuses » !
C’est pour cela que tu es éclectique, jusqu’à aimer « La femme du boulanger » ET « Beethoven » ?
Non,
pas ET. C’est-à-dire que ce sont les deux exemples de ce qu’il faut
faire et ne pas faire. Chez Pagnol c’est au mot près, c’est une histoire
qui, même si elle est quelquefois exagérée, tient la route et nous
emmène au bout de l’histoire. Pour « Beethoven » (pas le musicien… le
chien ! », c’est pour moi tout ce qu’il ne faut pas faire et quant à la
fin elle est on ne peut plus mauvaise. Après avoir vu le film j’ai
imaginé plusieurs fins plus intéressantes. J’ai commencé à les écrire en
fait, c’est le film qui m’a donné envie d’écrire des scénarios ! Donc
merci Beethoven !
Tu t’es spécialisé dans le court-métrage, le documentaire…
Et
la fiction ! J’ai commencé à écrire des scénarios pour les autres, puis
pour moi, puis je suis passé à la réalisation. Mais tout se fait à
partir de rencontres comme celles avec Cyrus Neshvad, réalisateur
iranien vivant au Luxembourg pour qui j’ai écrit « La valise rouge » ou
encore Nicolas Paban, qui est toulonnais et pour qui j’ai co-écrit
« Princesse de Jérusalem ».
Ne veux-tu pas passer aux longs métrages ?
Oui,
bien sûr mais c’est déjà très difficile de monter des courts-métrages.
Il faut trouver de l’argent et puis les vendre après. C’est quelquefois
plusieurs années d’attente, d’acceptation… ou pas !
Alors tu penses
un long métrage ! C’est un métier aléatoire où il faut toujours avoir
dix projets pour quatre qui aboutiront. Il faut pouvoir rebondir.
C’est certainement parois frustrant et en plus entre deux films il faut pouvoir vivre
Frustrant,
peut-être quelquefois mais comme je suis toujours sur plusieurs
projets, je pars sur un autre. Mais malgré le temps qui court entre deux
réalisations on peut très bien vivre une vie entière après un film. Et
puis, dès le départ on est prévenu que ce que l’on fait risque de ne pas
être accepté.
Il y a deux films que nous n’avons pas vus
ce soir : « Le problème du pantalon » et « Les vénérables dessous ». Tu
es très… textile !
(Il rit) C’est un diptyque qui d’ailleurs devrait devenir un triptyque car j’ai encore une idée.
« Le
problème du pantalon » parle de la contraception chez l’homme : la
vasectomie, l’injection d’hormones, le slip chauffant. Sujet tabou que
je traite avec humour.
« Les vénérables dessous » traite, lui, de la
menstruation, des sous-vêtements féminins qui sont de l’ordre du
fantasme et de la liberté des femmes. Là encore, sujets tabous.
Et j’ai déjà un troisième sujet… Mais je préfère ne pas t’en parler !
Bon, venons-en à « La valise rouge », qui t’a emmené jusqu’à Hollywood !
C’est
un scénario que j’ai co-écrit avec Cyrus Neshad qui l’a réalisé. Nous
l‘avons tourné au Luxembourg où il vit. Nous avons découvert Nawelle
Evad, jeune comédienne sur un casting. C’est l’histoire d’une jeune
iranienne de 15 ans qui vient au Luxembourg, envoyée par son père,
épouser un homme qu’on lui a imposé et qu’elle ne connait pas. Elle
récupère sa valise rouge et déambule dans la gare autour de cet homme
sans qu’il la voie et, après un long moment d’hésitation, décide de
s’enfuir.
Nous l’avons présenté dans divers festivals car ce sont les
seuls lieux où l’on peut vraiment les faire voir et il se trouve que
nous avons reçu quatre grands prix dans quatre festivals, dont Paris et
le Mans. Du coup, il a été sélectionné pour l’oscar du court-métrage.
Pourquoi dis-tu « du coup » ?
Parce
que, différemment aux César, le court métrage n’est pas choisi comme
chez nous. Aux USA, il est sélectionné par rapport aux prix qu’ils ont
reçus dans leur pays. C’est ainsi qu’après plusieurs votes, cent,
puis 15, puis cinq sont restés en lice… dont le nôtre !
Nous ne sommes
arrivés que second, derrière un film, dont la vedette était un
handicapé mais nous sommes fiers d’être passés devant le troisième,
produit par Disney ! Et même second, ça marque sur un CV !
Quel effet ça fait d’être au milieu des stars hollywoodiennes ?
C’est
très impressionnant de se retrouver sur le tapis rouge au même titre
que ces stars internationales… Et de se retrouver aux toilettes avec
Hugh Grant !!! C’est aussi une grande satisfaction d’un petit français
côtoyant le nec plus ultra du cinéma international.
Tu parles anglais ?
Of course, avec l’accent français qui plait beaucoup… aux américaines !
Il n’a été primé ni à Cannes, ni aux César ?
Non,
pour la bonne raison qu’à Cannes nous serions arrivés avec déjà trop de
prix quant aux César, il n’y a que des films français et le nôtre
luxembourgeois.
Tu disais qu’il n’y a que dans les festivals qu’on peut communiquer sur les courts-métrages ?
Oui
parce qu’en France, ils passent toujours très tard et le public est
restreint. Donc on ne peut faire voir nos films que dans les festivals.
D’ailleurs
je vais partir au Festival de Cannes, non pas pour voir des films, mais
pour faire des rencontres car c’est à 80% là que tout se joue. Les
autres 20% dans les autres festivals. C’est d’ailleurs à Cannes que j’ai
rencontré Cyrus Neshvad et Nicolas Paban. Comme j’ai plusieurs projets,
dont un long métrage coréalisé avec Nicolas, je vais avoir de longues
journées.
Un rêve ?
Réaliser un court-métrage fantastique dans la lignée de « SOS fantômes » !
Propos recueillis par Jacques Brachet
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